LIVRE : Jeunesses de France, de Mathieu Blard

« Bisbar sort de prison. Il se remet à la boxe, coaché par Jean-Louis, pendant que Billy, vertueux journaliste au chômage, infiltre les Nationalistes Identitaires où il rencontrera Julia. Autour d’eux, il y a aussi Rachid qui deale pour le compte de Zak. Et bien sûr Jasmine, la sœur de Momo, le futur avocat… »

Ce qui frappe en premier, c’est la maîtrise de la langue, un phrasé riche, brut, une littérature poétiquement populaire. Une inspiration Despentes sans nul doute, affirmée dès l’avant-propos. Arrière goût pas désagréable d’un bureau enfumé au whisky, genre Bukowski sur sa machine. On adore.
Une maîtrise du rythme narratif aussi, presque scénaristique, cinématographique. Certains passages relèvent de la prouesse littéraire, des instants de pur génie littéraire, comme la description du potentiel de séduction des hommes en fonction de leur profession (page 80), la bagarre en manif, ou les scènes d’amour torrides, contées avec une justesse érotique déconcertante. Les lieux prennent vie, et les descriptions sont suffisamment détaillées pour imager sans altérer le rythme des intrigues. L’histoire nous tient en haleine.

Le roman est une fresque sociétale où sont concrètement dépeintes les inégalités sociales, les divergences politiques et les discriminations, non dans un récit soyeux mais brut, ancré dans le réel. Le lecteur n’est pas dorloté, il en a pour son argent, car l’harmonie de l’écriture se heurte aux obstacles de la vraie vie, de la violence, des espoirs et des frustrations des personnages

L’auteur porte une attention particulière à sa manière de représenter le masculin, qu’il questionne tout au long du roman. L’homme y est montré comme sensible, passionné, mais en quête perpétuelle de sens, il cherche sa place, et il s’interroge sans cesse sur sa virilité, sa valeur aux yeux de la société, des femmes, et des autres hommes. On est véritablement plongé dans la tête et les tripes de deux hommes qui nous livrent des pensées animales parfois inavouables, mais profondément cohérentes.
Les deux personnages traversent une intrigue grandiose, dans le sens où ils jouent leur honneur, parfois même leur vie. Alcool, drogue, règlement de compte, combat corps à corps. On est sur le ring des masculinités. Et pourtant, en toile de fond, ils sont surtout animés par les regards féminins, celui de Jasmine et de Julia. Des regards féminin décrient par une plume expérimentée, consistante, et profondément admirative (voir amoureuse) des femmes.

Je n’avais pas lu de roman écrit par un homme depuis des années, lassée par leurs états d’âme nombrilistes qui me laissaient insensibles. Jeunesses de France m’a réconciliée avec l’écriture au masculin qui, de toute évidence, peut être sensible, politique et féministe.

Jeunesses de France, de Mathieu Blard, disponible aux éditions Mané Huily.

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